Faust

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Faust dans son cabinet d'étude par Georg Friedrich Kersting, 1829.

Faust est le protagoniste d'un conte, devenu populaire en Allemagne à partir du XVIe siècle et qui est à l'origine de nombreuses réinterprétations, et la figure d'un mythe.

La plus célèbre des versions de la légende, celle de Goethe dans ses deux Faust successifs (1808 et 1832), raconte le destin d'un savant nommé Faust. Celui-ci, déçu par l'aporie à laquelle le condamne son art, contracte un pacte avec le diable qui met à son service un de ses Esprits, appelé Méphistophélès, pour qu'il lui procure un serviteur humain, l'étudiant Wagner. Celui-ci devient donc son domestique (famulus) et lui transmet l'offre du diable : l'acquisition, au prix de son âme, d'une seconde vie, tournée cette fois vers les plaisirs sensibles. Dans la plupart des versions populaires du récit à caractère fantastique, l’âme de Faust est damnée après sa mort, qui suit une longue période (24 ans, précisent certains textes) durant laquelle le diable a exaucé la plupart de ses vœux.

Origine

Le musée de Faust à Knittlingen, la ville natale de Georg Faust.

La préhistoire de la légende de Faust se situe dans l'antiquité gréco-latine. On en trouve les premiers linéaments avec le personnage néotestamentaire (Actes des Apôtres, 8, 9-24) et surtout hagiographique (Actus Petri cum Simone, BHL 6656) de Simon le Magicien[1], puis, aux IVe – Ve siècles, avec la figure déjà fortement légendaire de Cyprien, le magicien repenti qui devient évêque et martyr[2]. Toutefois, les affinités avec le Faust moderne ne deviennent nettes qu'avec l'épisode du pacte diabolique, qui apparaît plus tard et caractérise deux récits hagiographiques byzantins des VIe – VIIe siècles.

Le premier de ces deux contes pieux, le « Récit d'Helladius » [BHG 253], se trouve dans la Vie de saint Basile du pseudo-Amphiloque d'Iconium, peut-être composée au VIe siècle. On y voit le serviteur du noble Protérius tomber amoureux de la fille de son maître et, pour la séduire, s'adresser à un démon, lequel lui fait signer un pacte où il renie le Christ ; la manoeuvre manque de peu de réussir, mais la jeune fille, dans un sursaut, a recours au saint évêque Basile. Celui-ci parvient à vaincre le démon et à exorciser le serviteur de Protérius ; il récupère et déchire le contrat. Le serviteur fait pénitence et la jeune fille devient religieuse[3].

Le second proto-récit grec, la Pénitence de Théophile, est une légende mariale ayant pour héros un nommé Théophile, économe de l'église d'Adana. Clerc consciencieux, Théophile est calomnié par des envieux ; son évêque, crédule, le révoque. Dans son amertume, l'ex-économe s'adresse à un Juif, qui le met alors en rapport avec « son maître » Satan. Le diable promet à Théophile qu'il lui fera obtenir ce qu'il veut, à la condition qu'il écrive et signe un document où il renie le Christ et la Vierge Marie. Théophile accepte le marché et signe le contrat. Mais il est bientôt saisi de remords. Il se lamente et jeûne quarante jours, puis se rend à l'église de la Théotokos, où il prie et implore la Mère de Dieu. Celle-ci agrée sa prière et obtient de son Fils qu'il pardonne au renégat repentant. À son réveil, Théophile découvre, posé sur sa poitrine, le document maudit. Il va trouver l'évêque, lui raconte tout et lui montre le contrat. L'évêque prononce devant ses ouailles un sermon sur l'édifiante aventure, et il brûle, sous les yeux de tous, le texte infernal. Théophile fait pénitence et bientôt rend pieusement son âme au Seigneur, après avoir légué tous ses biens à l'Église. La version longue [BHG 1320-1321] de la Pénitence de Théophile, due à un certain Eutychianos (milieu du VIIe siècle ?) [4], fut traduite en latin, et cette version latine fut à son tour adaptée en français, d'abord par Gautier de Coinci dans ses Miracles de Notre Dame (premier tiers du XIIIe siècle), puis par Rutebeuf dans Le Miracle de Théophile (rédigé vers 1260), avant d'être l'objet d'une nouvelle adaptation latine dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine[5].

Le vrai Faust, prénommé Georg

La première phase moderne de l'histoire de Faust, déjà centrée sur un personnage qui porte ce nom, consiste en un ensemble de récits et de témoignages plus ou moins dignes de foi concernant un célèbre diseur de bonne aventure, astrologue et magicien allemand, Georg Faust[6], né à Knittlingen vers 1480 et mort vers 1540 à Staufen im Breisgau. C'était de son vivant même un personnage extrêmement controversé. Tour à tour savant, devin, astrologue, jeteur de sorts et nécromancien, ce charlatan itinérant, auquel on prêtait des moeurs infâmes, fit sur une partie de ses contemporains une forte impression, mais fut honni par les autres pour ses prestiges diaboliques et son immoralité. Son souvenir se confondit bientôt avec celui du médecin et alchimiste suisse Paracelse : les deux personnages finirent par ne faire plus qu'un dans l'imagination populaire[7].

En 1563, Johannes Manlius, citant dans ses Locorum communium collectanea les propos de son ancien maître Melanchthon, rapporte que Georg Faust étudia la magie à l'université de Cracovie à une époque où cette discipline y était encore enseignée, et qu'il fut accusé de pratiquer la magie noire et d'écrire des libelles sur les miracles de Jésus-Christ, dans lesquels il affirmait qu'il pourrait, s’il le voulait, en faire autant[8]. Ayant été dénoncé par Luther et Melanchthon, qui voyaient en lui un sorcier au service du démon [9], il aurait été incité par ses proches à se tourner vers l'enseignement. Il devint ainsi maître d'école à Kreuznach ; mais là (le fait aurait eu lieu en 1507), il fut surpris au moment où il se livrait à « un type de fornication absolument abominable » (nefandissimo fornicationis genere) sur la personne d'un des enfant qui lui étaient confiés, et ne dut son salut qu'à une fuite éperdue[10].

Calqué sur ce personnage a paru, en Pologne, la légende d'un magicien dénommé Pan Twardowski, dont des témoignages indiquent qu'il était en activité à l’université d’Erfurt.

En , on retrouve Faust à Leipzig, dans l'auberge d'Auerbach, à califourchon sur un tonneau, dans un épisode héroï-comique immortalisé par une peinture sur bois accompagnée de six vers narrant ce haut fait[11].

Le 19 juin 1528, le conseil municipal d'Ingolstadt ordonne à Georg Faust d'aller dépenser son argent ailleurs (et lui demande, par prudence, de s'engager à ne pas tirer vengeance de cette expulsion)[12]. Le 10 mai 1532, le Conseil municipal de Nuremberg, à son tour, refuse l'accès de la cité au « Docteur Faust, grand sodomite et nécromant »[13]. Il est probable que Faust se rendit alors, en compagnie du célèbre médecin, alchimiste et philosophe Heinrich Cornelius Agrippa (1486-1535), auprès de l'évêque de Cologne, Hermann von Wied, qui était alors tenté par le luthéranisme[14]. Il y serait resté de 1532 à 1534.

En 1534, l'aventurier allemand Philipp von Hutten, sur le point de partir explorer une région du Venezuela, demanda à Georg Faust de lui prédire l'avenir. Six ans plus tard, von Hutten écrit à son frère Moritz que tout s'est passé exactement comme Faust l’avait prédit[15].

Nous retrouvons la trace de Georg Faust en juin 1535, où il prédit que la ville de Münster, occupée par les Anabaptistes, sera reprise la nuit-même par son évêque aidé par les princes de l'Empire. La nuit venue, effectivement, l'évêque François et ses alliés surgissent, Münster est repris, et les chefs des révoltés sont livrés au supplice[16].

Georg Faust mourut à une date mal déterminée, vers 1540-1541 ou selon d'autres en 1537 ou 1538. La Zimmerische Chronik (datée de 1564-1566) situe sa mort à Staufen im Breisgau[17]. Pour Johannes Gast († 1572), Johann Manlius et la Z.C., il mourut comme un misérable qu'il était, tué par le diable. Manlius[18] dit qu'il fut trouvé mort un matin, dans la chambre d'auberge où il logeait dans le duché de Wurtemberg : il gisait près de son lit, la tête tournée à l'envers (détail en partie confirmé par Gast)[19]. On a récemment imaginé qu'il périt dans une explosion survenue au cours d'une de ses expériences, dans la chambre qu'il louait[20].

Le premier développement légendaire : la Chronique d'Erfurt

Rédigée par Wolf Wambach entre 1550 et 1580 (et publiée par Zacharias Hogel, 1611-1676), la Chronique d'Erfurt traite du personnage de Georg Faust en le dotant déjà de traits fantastiques. Elle est le premier écrit à lui prêter un pacte avec le diable : cet élément ne sera plus jamais dissocié de la légende de Faust (Georg ou Johann) et en deviendra même le trait fondamental. La Chronique d'Erfurt ne se borne pas à introduire le thème du pacte avec le démon. Elle transforme Faust en savant humaniste utilisant ses pouvoirs magiques pour ressusciter l'héritage antique. L'astrologue réussit, par la puissance de son verbe, à obtenir la chaire de grec à l'université d'Erfurt. Là, pour mieux expliquer Homère, il fait apparaître (peut-être à l'aide d'une lanterne magique)[21], devant ses étudiants stupéfaits, les héros de Troie, notamment la belle Hélène, et des monstres de la mythologie, comme le cyclope Polyphème, lequel, avant de disparaître, tente de dévorer une paire d'étudiants épouvantés[22].

C'est à Erfurt que Georg Faust aurait déclaré, en présence d’un moine franciscain nommé Konrad Klinge : « Je suis allé plus loin que vous ne le pensez et j’ai fait, avec mon propre sang, une promesse au démon : celle d'être à lui dans l'éternité, corps et âme »[23].

Le Faust (Johann) du Faustbuch de 1587

Page de garde d'Historia von D. Johann Fausten, Francfort, 1587.

En 1587 paraît à Francfort-sur-le-Main, à l'occasion de la foire d'automne, un écrit anonyme intitulé Historia von D. Johann Fausten[24]. L'ouvrage sort des presses de Johann Spies ; il comporte trois parties et compte 227 pages de petit format. Le prénom du Faust historique, « Georg » (ou Jörg), devient « Johann » à compter de ce texte. La dédicace expose la nécessité de reprendre cette légende, qu'on raconte partout, et d'en faire « un récit en règle », « afin de mettre en garde toute la chrétienté ». La Préface au lecteur chrétien invite à se défier du diable et de la magie. Le Johann Faust du livre de 1587 n'a presque plus rien à voir avec son modèle historique Georg Faust. La légende, en peu de temps (moins de 50 ans) a fait son oeuvre.

André Dabezies résume ainsi le Faustbuch de 1587 (Le mythe de Faust, 1991, p. 19-21) :

Première partie : la formation et le (premier) pacte. Fils de pieux paysans, Faust fait de brillantes études à Wittenberg, mais abandonne la théologie pour mener une vie déréglée et s'adonner à la magie, à l'astrologie et la médecine (chap. 1). Il invoque le diable dans la forêt, puis dans sa chambre, lui soumet ses requêtes, accepte les exigences du démon (2-4), rédige le pacte et le remet à Méphostophilès (6-8). Celui-ci défère à tous ses désirs (9), mais lui refuse le mariage et le pousse à la luxure (10). [Questions sur le diable et l'enfer] Faust interroge le démon sur les anges, l'enfer, les anges déchus, la puissance du diable, la forme de l'enfer (11-16). Faust se sent ébranlé et perplexe, car l'autre répond en citant la Bible et les manuels de théologie, ajoutant que, s'il pouvait, il ferait tout pour regagner la grâce de Dieu. Mais il s'impatiente et persuade Faust que c'est trop tard pour lui (17).

Deuxième partie : carrière et voyages. Devenu un astrologue réputé, Faust interroge son démon sur les saisons, le ciel, la création (que le diable nie) (18-22) ; il se fait présenter les démons, descend lui-même en enfer (23-24), puis monte jusqu'aux étoiles (25), enfin voyage dans toute l'Europe, y compris à Rome et à Constantinople, où il se joue du pape et du sultan, jusqu'au Paradis perdu (26-27) ; il discourt des comètes, des étoiles, des "esprits élémentaire", du tonnerre (28-32).

Troisième partie : prestiges divers et lamentable mort. Faust fait apparaître Alexandre devant Charles Quint (33), se livre à des facéties, emmène trois nobles amis dans les airs sur son manteau (34-37), soutire de l'argent aux uns et use de sa magie pour flatter les autres (38-44), procure à ses amis festins, beuveries et carnaval (44-48), fait apparaître Hélène aux étudiants (49), sermonne un paysan (50) et fait périr un magicien (51). Un bon vieillard, voisin de Faust, le convainc de se repentir (52), mais soudain Méphostophilès apparaît, l'en dissuade par la peur, et le magicien doit rédiger un second pacte (53). D'autres tours et farces sont racontés (54-58). La 23e année du pacte, Faust demande au diable de lui ramener Hélène, qui devient sa concubine et lui donne un fils, Justus Faustus (59). La 24e et dernière année du pacte, Faust laisse ses biens, ses pouvoirs et un "esprit" à son jeune serviteur Wagner (60-61), puis, plein d'angoisse à la pensée de sa fin prochaine, se lamente douloureusement (62-66), sous les railleries du démon (65). Il invite collègues et étudiants à un repas (67) et leur fait connaître son pacte, sa mort prochaine et ses remords. Après une nuit pleine d'affreux bruits et sifflements et d'appels au secours de Faust, on retrouve au matin son corps déchiqueté par le diable. Moralité : il faut se défier du Malin et adorer Dieu (68).

Quelques-uns ont pensé que le Johann Faust du Faustbuchdevait être identifié à Johann Fust de Mayence (vers 1400-1466), un des inventeurs de l'imprimerie, dont la vie aurait été défigurée par les contes populaires[25]. Cette thèse ne semble plus avoir d'adeptes aujourd'hui.

Les premiers avatars de Johann Faust

Le Faustbuch de 1587 fut traduit en anglais au plus tard en 1589, date à laquelle Christopher Marlowe rédigea, sur la base de cette traduction, sa Tragique Histoire du docteur Faust, qui fut publiée à Londres en 1604. Marlowe situa l'action de sa pièce à Wittemberg. Son texte fut, deux siècle plus tard, étudiée par Goethe.

Mais dans l'intervalle, le Faustbuch de 1587 avait déjà été adapté plusieurs fois. Une traduction française due à Palma Cayet et intitulée Histoire prodigieuse et lamentable de J. Faust, grand magicien et enchanteur, parut en 1598 et connut 14 éditions jusqu'en 1674. En 1599 fut imprimé à Hambourg un ouvrage de Georg Rudolf Widmann au titre éloquent, que l'on peut traduire ainsi : « Véridiques histoires des horribles et exécrables péchés et vices, ainsi que des merveilleuses et extraordinaires aventures que le D. Johannes Faust, célèbre nécromant et grand magicien, a eues du fait de sa nécromancie jusqu'à sa terrible fin ».

Johann Georg Neumann (1661-1709) publia à l'âge de vingt-deux ans une curieuse dissertation sur Faust, intitulée Disquisitio historica de Fausto praestigiatore (Wittenberg, Matthias Henckel, 1683). Cette monographie eut un grand succès et fut réimprimée en 1693, 1711, 1742 et 1746[26].

Le premier Faust de Goethe (1808)

Article détaillé : Faust (Goethe).
Représentation du Faust de Goethe en 1945.

Faust est un alchimiste qui, depuis son plus jeune âge, aspire à posséder la connaissance universelle et à percer les secrets de l'Univers. Il met tout en œuvre pour atteindre ses ambitions, mais n'y parvient pas. Il est au bord du suicide, car il pense avoir perdu son temps et sa vie. Il utilise en dernier recours l'aide de Méphistophélès, lequel lui propose un marché : il réalisera tous ses désirs en échange de son âme dès que Faust se dira satisfait et heureux, dans un délai de 24 ans. L'alchimiste accepte.

Faust est toujours insatisfait. Méphistophélès lui fait alors rencontrer une jeune fille : Marguerite (Margarete ou Gretchen, son diminutif allemand). Faust tombe sincèrement amoureux de Marguerite, elle-même follement éprise de Faust (Marguerite au rouet / le roi de Thulé). Un après-midi, Faust demande à Marguerite de lui ouvrir la porte de sa chambre le soir. Pour cela, elle devra déposer un somnifère dans le potage de sa mère pour qu'elle n'entende rien

Gretchenfrage

Contrairement à Faust, Marguerite (Gretchen) est croyante, et elle n'acceptera de se marier qu'à la condition que Faust ait la foi. Elle lui pose la question, restée célèbre au sein de l'élite allemande : « Nun sag, wie hast du's mit der Religion ? », qui signifie, littéralement, « Eh bien, dis moi, comment fais-tu avec la religion ? ». Faust évite de répondre à la question, car cela le gêne. Une Gretchenfrage[27] est donc une question à laquelle on est gêné de répondre.

La mère de Marguerite meurt à cause du somnifère. Le frère de Marguerite rencontre Faust au moment où il saute par la fenêtre de la chambre de sa sœur. Il affronte Faust en duel pour venger l'honneur de la famille, mais il est tué par Faust avec l'aide de Méphistophélès. Faust doit donc fuir la ville et laisse Marguerite seule au monde, enceinte et cible des ragots de la ville. Elle aura un enfant qu'elle ira noyer. Elle est emprisonnée et condamnée à mort pour infanticide. Faust l'apprend, s'indigne et voudrait la sauver, mais elle ne veut plus le suivre. Méphistophélès emmène Faust hors de la prison de Marguerite en disant « Elle est jugée » (« sie ist gerichtet ») mais une voix du ciel dit « Elle est sauvée » (« sie ist gerettet »). C'est la fin de la première partie du Faust de Goethe.

Le second Faust de Goethe (1832, posthume)

Dans le second Faust, celui-ci rencontre le souverain, puis épouse Hélène de Troie. Ensemble, ils ont Euphorion et Faust fait fructifier un lopin de terre « arraché à la mer ». À la fin, Méphistophélès veut prendre l'âme de Faust. Mais celui-ci n'est pas damné : il échappe à l'enfer grâce aux prières de Marguerite. Le dernier vers de cette seconde partie de Faust conclut « l'éternel féminin nous élève » (« das Ewig-Weibliche zieht uns hinan »[28].

Le Faust de Lenau (1836)

Le poème dramatique Faust, que l'Autrichien Nikolaus Niembsch von Strehlenau, dit Nikolaus Lenau (1802-1850), publia en 1836 en réaction aux second Faust de Goethe et à la rédemption finale de son héros, met en scène un homme à la recherche de l'absolu mais qui n'aboutit qu'au désespoir. Sa quête insatisfaite le conduit à un état d'inquiétude douloureuse qui fait de lui la proie facile de Méphistophélès, lui aussi un orgueilleux révolté. Méphisto sépare Faust du « Christ », c'est-à-dire des croyances théistes, puis de la « nature », c'est-à-dire du panthéisme (L. Roustan, Lenau et son temps, 1898, p. 155). Le compositeur Philippe Fénelon, pour sa part, commente ainsi l'ouvrage de Lenau : « Les scènes de la vie du héros expriment le tragique de la destinée. Composition baroque et morcelée, cette œuvre de contrastes tente d'exprimer les contradictions des êtres. Elle articule les thèmes faustiens : la nature ne livre pas ses secrets, la science est vaine, la religion ne répond à rien, la sensualité est éphémère, la vie familiale est insipide, l’art n’apporte qu’un semblant de satisfaction… Refusant tout compromis, sceptique et désabusé, Faust rompt avec l’ordre établi pour échapper au doute et se laisse convaincre par un Méphistophélès brutal, ironique et condescendant, qu’il atteindra son but en lui livrant son âme. Son errance et ses visions ne sont pourtant que la fuite en avant d’un rêve cynique qui le mène d’échec en échec. C’est Georges – L’Homme –, conscience de Faust, qui lui apporte la clé en lui faisant découvrir que la liberté désirée est en chacun de nous et qu’il est vain de la chercher ailleurs. Cette révélation de l’homme libre entraîne le rebelle vers sa destruction. Ses aventures douloureuses n’ont été que l’histoire d’un sursis ».

Dans la culture

En musique

Fédor Chaliapine en costume de Méphistophélès, 1915.

Opéras et musique symphonique

La légende de Faust a inspiré plusieurs opéras et d'autres ouvrages musicaux majeurs :

Autre

  • Le groupe de heavy metal Kamelot s'est inspiré de cette histoire pour leurs albums Epica et The Black Halo.
  • Le groupe de Metal Emigrate a sorti une chanson du nom de Faust dans son deuxième album Silent So Long.
  • Le groupe de rock allemand Faust.
  • Dans le manga Black Butler de Yana Toboso, un jeune noble dont la famille a été assassinée conclut un pacte avec un diable. Ce diable sera son serviteur jusqu'à ce que son maître soit vengé, et ce en échange de son âme. L'un de ces diables se nomme par ailleurs Claude Faustus.
  • Dans le manga Shaman King[32] d'Hiroyuki Takei, Johann Faust[33] est un personnage fictif directement inspiré de la légende de Faust. Ce dernier à lui aussi conclut un pacte avec le diable et le démon Méphistophélès réclame l'âme de Faust 7 ans après le pacte conclut.
  • Dans le manga Blue Exorcist de Kazue Kato, Méphisto Pheles est le proviseur de l'académie de la Croix-Vraie (où il est connu sous le nom de Johann Faust V) et est aussi un exorciste.
  • Faust est le titre d’une chanson d’Alain Souchon dans l’album C'est comme vous voulez (1985).
  • La chanson The Small Print (album Absolution en 2003) de Muse, à l'origine intitulée Action Faust. Elle traite du pacte entre Faust et Le diable du point de vue de ce dernier.
  • Docteur Faustus est le nom d'un super vilain de l'univers Marvel. Adapté dans la série tv Agent Carter et interprété par Ralph Brown. C'est un psychologue/psychiatre et mentaliste qui se vente d'être le "Maître de l'esprit des Hommes"

En littérature

Page de garde pour le Faust de Heinrich Heine.

Par ordre chronologique :

Au cinéma

Beaux-Arts


Notes et références

  1. Voir Ph. Mason Palmer & R. Pattison More, The sources of the Faust tradition from Simon Magus to Lessing (1936) ; B. Pouderon, Métamorphoses de Simon le Magicien (2019).
  2. Textes (originaux grecs, ensuite traduits en latin et dans d'autres langues) : Conversion de Cyprien (BHG 452) ; Confession de Cyprien (BHG 453) ; Passion de Cyprien (BHG 455)
  3. Pseudo-Amphiloque d'Iconium, Vie de saint Basile, VII (= BHG 253), « Sur celui qui renia le Christ par écrit », texte grec édité par L. Radermacher, Griechische Quellen zur Faustsage (...). Wien & Leipzig, 1927, p. 122-148. Pour un résumé plus développé, voir P. Boulhol « De Cyprien le magicien au docteur Faust : la légende du pacte diabolique et ses origines grecques » ; ou Id., « Le pacte avec le diable » (2010), p. 38-40.
  4. Texte grec : L. de Sinner, Légende de Théophile. Paris, 1838, p. 7-17 ; L. Radermacher, Griechische Quellen zur Faustsage (...). Wien & Leipzig, 1927, p. 182-218 et 183-219.
  5. Jacques de Voragine, Legenda aurea, CXXXI (126), De nativitate beatae Mariae virginis, 9, éd. Th. Graesse, 1890 (3e éd.), anast. 1969, p. 593-594.
  6. (en) Leo Ruickbie, Faustus : The Life and Times of a Renaissance Magician, The History Press, , p. 18.
  7. Pierre Mariel, Paracelse, Seghers, 1974.
  8. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 101-103.
  9. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 92-93, textes n° X-XI (Tischreden de Luther) ; p. 99-100, n° XV-XVI (Explicationes de Melanchthon).
  10. Voir le témoignage indigné de l'abbé Trithemius, Lettre à Johann Virdung, Würzburg, 20 août 1507. La sincérité du témoignage faustien de Trithemius a toutefois été mise en doute : Frank Baron & Richard Auernheimer (éd.), War Dr. Faustus in Kreuznach ? Realität und Fiktion im Faust-Bild des Abtes Johannes Trithemius. Alzey, Verlag der Rheinhessischen Druckwerkstätte, 2003.
  11. Voir La Revue Française, novembre 1833, p. 191.
  12. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 90, texte n° VI.
  13. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 90, texte n° VII.
  14. Notre source principale à ce sujet est une lettre du légat pontifical Minuccio Minucci au comte Guillaume de Bavière, datée du 25 mars / 4 avril 1583 : ... il conte Hermanno di Veda, il quale ancora nel tempo della sua apostasia hebbe presso di se il Fausto e l'Agrippa, famosissimi in tal arte [scil. la magie] (Nuntiaturberichte aus Deutschland.... Dritte Abtheilung. 1572-1585. Zweiter Band. Berlin, 1894, p. 617, 17-18).
  15. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 95-96, texte n° XIII.
  16. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 91, texte n° VIII.
  17. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 103-104, texte n° XIX.
  18. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 102, texte n° XVIII.
  19. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 98, texte n° XIV : Johannes Gast, Sermones Conviviales. Voir Frank Baron, « Which Faustus died in Staufen ? History and legend in the Zimmeriche Chronik », dans German Studies Review, 6/2 (May 1983), p. 185-194, spéc. p. 186
  20. Ruickbie 2009, p. 224.
  21. S'il faut vraiment donner une explication rationnelle à ce qui n'est probablement qu'une fiction.
  22. A. Dabezies, Le mythe de Faust (1972), p. 15.
  23. Mason Palmer & Pattison More, The sources of the Faust tradition (1978), p. 117-118.
  24. Le titre complet est (de) Historia Von D. Johañ Fausten dem weitbeschreyten Zauberer vnnd Schwartzkünstler que l'on peut traduire ainsi : « Histoire du docteur Johann Faust, grand magicien et expert dans les arts occultes ».
  25. Voir John S. Broehuizen, Faust and Fust : a case of mistaken identities. Thesis, Rice University, 1967.
  26. Accessible en ligne : .https://books.google.de/books?id=yhdPAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=de&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
  27. Franz Liszt, Faust, Mephisto-Valses
  28. Jacques Le Rider & Paul-Jean Franceschini : Faust, le vertige de la science, 2010, éd. Larousse, essais, (ISBN 9782035846181)
  29. « Faust: info e acquisto », sur Bru Zane (consulté le )
  30. « Faust (Barbier & Carré / Gounod) / Œuvres / Accueil - Bru Zane Media Base », sur www.bruzanemediabase.com (consulté le )
  31. « Valfeu / Faust / Symphonie électronique », sur www.valfeu.com/faust (consulté le )
  32. (en) « Shaman King », sur Shaman King Wiki (consulté le )
  33. (en) « Johann Faust I », sur Shaman King Wiki (consulté le )
  34. (en) Nick Holdsworth, « Faust finishes Russian 'trilogy' », Variety,‎ (lire en ligne)
  35. Delacroix, Wallace Collection

Annexes

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  • Faust, sur Wikisource

Bibliographie

  • Goethe (trad. de l'allemand par Jean Malaplate, préf. Bernard Lortholary, ill. Virginie Berthemet), Faust : I et II, Paris, Éditions Flammarion, coll. « GF », (1re éd. 1984), 572 p. (ISBN 978-2-08-135868-3). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Florian Balduc, De Faust au Golem : histoire et mensonges derrière la légende, La Fresnaie-Fayel, Editions Otrante, , 334 p. (ISBN 979-10-97279-05-9).
  • Geneviève Bianquis, Faust à travers quatre siècles. Paris, Droz, 1936.
  • Pascal Boulhol, « Le pacte avec le diable : un vieux thème religieux dans l’hagiographie protobyzantine (IVe – VIIe siècles) », dans Ὁ Λύχνος (Connaissance Hellénique), 122 (janvier 2010), p. 34-48.
  • André Dabezies, Le mythe de Faust. Paris, Armand Colin, 2e éd., 1991, 400 p. (ISBN 2-200-32194-5)
  • Charles Dedeyan, Le thème de Faust dans la littérature européenne. Paris, Lettres Modernes, 1954-1967 (6 volumes).
  • Aminta Dupuis, L'Initiation de Faust et de Parzival, La quête du Graal, Une voie moderne de connaissance et d'amour (préface de Martin Gray). Paris, L'Harmattan, 2005, 183 pages (ISBN 2-7475-8330-9)
  • Ernest Faligan, Histoire de la Légende de Faust. Paris, 1887 (thèse - Faculté des Lettres de Paris) [fait le point sur les textes allemands de la légende et donne une traduction du premier texte allemand].
  • Dominique Lecourt, Prométhée, Faust, Frankenstein : Les fondements imaginaires de l'éthique, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, , 88 p. (ISBN 9782908602852).
  • Philip Mason Palmer & Robert Pattison More, The Sources of the Faust Tradition from Simon Magus to Lessing. Oxford, Oxford University Press, 1936, réimpr. New York, 1978.
  • Bernard Pouderon, Métamorphoses de Simon le Magicien : des « Actes des Apôtres » au « Faustbuch ». Paris, Beauchesne, 2019.
  • Ludwig Radermacher, Griechische Quellen zur Faustsage. Der Zauberer Cyprianus. Die Erzählung des Helladius. Theophilus. Wien & Leipzig, 1927 (= Akademie der Wissenschaften in Wien. Philosophisch-historische Klasse. Sitzungsberichte, 206. Band, 4. Abhandlung).
  • Pierre Saintyves, La Légende du Docteur Faust. Paris, 1926 [réunit tous les épisodes légendaires allemands antérieurs à Goethe].
  • La revue Sous le signe de Faust (1997), éditée par la bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (Suisse), contient une importante bibliographie sur Faust.

Articles connexes

Liens externes

  • (de) Goethe, Faust - Der Tragödie erster Teil
  • Association historique Pôle Nord (surnommée un temps « les faustologues »)
  • Pascal Boulhol, « De Cyprien le magicien au docteur Faust : la légende du pacte diabolique et ses origines grecques » sur le site de l'université de Provence
  • Adolphe Bossert, « Le Faust de Goethe, ses origines et ses formes successives »
  • Faust et L’Associé du diable sur le site xulux.fr
v · m
Légende populaire
Œuvres phares
Prose
Pièces de théâtre
  • Gretchen (en) (1879)
  • Jazz (1926)
  • Mon Faust (1946)
  • Damn Yankees (1955)
  • Will Success Spoil Rock Hunter ? (en) (1955)
  • The Black Bonspiel of Wullie MacCrimmon (en) (1965)
  • Temptation (en) (1986)
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  • Printer's Devil (en) (1963)
  • The Devil's Hands Are Idle Playthings (en) (2003)
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  • The Devil and Daniel Mouse (en) (1978)
  • When the Devil Calls Your Name (en) (2019)
Comédies musicales
  • Damn Yankees (1955)
  • Success! (en) (1993)
  • Randy Newman's Faust (en) (1995)
  • Faust (en) (2003)
  • Disco Inferno (en) (2004)
Bandes dessinées
Beaux-arts
  • Mephistopheles and Margaretta (en) (sculpture)
  • Faust (en) (peinture)
  • Hector Berlioz : La Damnation de Faust (2010)
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